Mes origines, ma famille

Fille du Roi de Prusse Frédéric Guillaume Ier, descendante de l’illustre maison de Hohenzollern, et de son épouse Sophie Dorothée de Hanovre, j’ai droit au titre „Altesse Royale“. Née en 1709, j’ai deux ans de plus que mon frère Frédéric qu’on appelle à juste raison ‚Frédéric le Grand‘ et pour qui tout le monde a beaucoup d’estime, et moi aussi. Étant sa sœur ainée, j’ai la préséance sur toutes mes sœurs. Cependant, les plans ambitieux de ma mère de m’allier au Prince héritier anglais pour faire de moi Reine d’Angleterre ont lamentablement échoué. 

Altes Schloss, Bayreuth. Modell von Johann Adam Riediger. Vor dem Brand 1753. (Historisches Museum, Bayreuth).

 

 

 

Mon arrivée à Bayreuth

 Au lieu de devenir Reine d’Angleterre, je me suis retrouvée à Bayreuth en 1731 en tant qu’épouse du Prince héritier Frédéric, un parti à vrai dire tout à fait convenable, fils d’un homme extrêmement désagréable, le Margrave George Frédéric Charles. La première impression de cette Principauté plus que provinciale fut une sorte de choc. Nous avons vécu très modestement dans un vieux château délabré jusqu’à ce que nous ayons été enfin délivrés en 1735 de mon beau-père, ce vieil ivrogne avare.

 

Comment j’ai façonné ‚mon Bayreuth‘

Eremitage, Altes Schloss © Bayreuth Marketing & Tourismus GmbH, Björn Vollmuth À la disparition de mon beau-père et après l’accession au trône de mon époux,Monplaisir, © Bayreuth Marketing & Tourismus GmbH, Björn Vollmuthj’aipu, avec son soutien, commencer dès 1735 à faire de cette ville endormie qu’était Bayreuth une véritable résidence princière capable de soutenir la concurrence. Ainsi, j’ai aussitôt réalisée ma résidence d’été Ermitage, à mon idée, dans un style magnifique et brillant certes, mais il fallait aussi que ce soit un vrai lieu de retraite et de méditation créatrice.

 

Markgräfliches Opernhaus, erbaut 1745 bis 48 von Joseph Sant-Pierre. Innenausgestaltung durch Giuseppe Bibiena. Kreidelitho von H. Stelzner. (Sammlungen Schloss Birken).C’est en 1748 que j’ai enfin pu inaugurer mon édifice le plus somptueux, l’Opéra queSonnentempel mit Neuem Schloss in der Eremitage bei Bayreuth. Erbaut 1749 bis 53 von Hofbaumeister Sant-Pierre. Stahlstich von J. Poppel. (Sammlungen Schloss Birken).j’ai fait construire et décorer par les meilleurs – et certainement pas par les moins chers – des architectes de mon temps, Saint-Pierre et Galli Bibiena. Il a été inauguré avec éclat à l’occasion du mariage de ma fille Frédérique et en son honneur. Que mes sujets de Bayreuth nous ont admirés, moi et mon Margrave, lorsque nous nous rendions à l’Opéra pour de superbes mises en scènes! Il est vrai qu’ils ont parfois réchigné à payer des sommes énormes, mais quelle fierté ont leurs descendants de ce que je leur ai légué et qui est au Patrimoine Mondial. Au cours de la même année, avec la réalisation du merveilleux jardin de rocailles Sanspareil, non loin du château fort Zwernitz, j’ai prouvé qu’en utilisant des moyens modestes,Das markgräfliche Neue Schloss in Bayreuth. Erbaut ab 1753 bis 1755. Von Sant Pierre. Kreidelitho von H. Stelzner, 19. Jh. (Sammlungen Schloss Birken)je suis capable de matérialiser dans la pierre mes connaissances du monde chinois et de l’Antiquité. Après que nous ayons perdu l’ancienchâteau dans un incendie, ce quiSanspareil. Der Morgenländische Bau mit Gartenparterre. Kolorierter Stich von Johann Gottfried Kuppel, 1793. (Sammlungen Schloss Birken)ne fut pas un grand malheur, „j’ai eu le plaisir de dessiner le plan de mon palais moi-même“. Malgré des moyens relativement restreints, j’ai réussi, tout comme pour l’Opéra, à concurrencer les édifices de la capitale où j’avais grandi et à transformer Bayreuth en joyau architectural représentatif et adapté à la société de cour. La ville, je n’en doute pas, attirera encore des flots de visiteurs de 250 ans plus tard.

 

Ma passion pour les beaux-arts

Die Eremitage in BayreuthCes chefs-d’œuvre architecturaux m’ont permis de briller. Ma vraie passion cependant s’appliquait à la musique, à l’art et à la littérature. C’est à l’Ermitage que j’ai écrit mes mémoires qui relatent sans pitié les méthodes d’éducation brutales de mon père, les projets de mariage ambitieux de ma mère et le froid orgueil de mon frère bien-aimé après son accession au trône. Et malgré tout, Frédéric et moi, nous avons continuellement échangé des lettres intimes, philosophant ou raillant Dieu et le monde, donnant notre avis sur tel ou tel musicien ou auteur. Et même le plus grand de tous, Voltaire, le roi des Philosophes, a eu toute une correspondance avec moi, au cours de laquelle je l’ai prié de se réconcilier avec Frédéric et de contribuer, sous mon égide, à la paix entre la France et la Prusse.

 

Sa tragédie Semiramis m’a incitée à composer un opéra dans lequel le soleil des Lumières brille tout autant que dans mon opéraMarkgräfliches Opernhaus (Innenaufnahme) © Bayreuth Marketing & Tourismus GmbHphilosophique L’Uomo que j’ai fait jouer un an plus tard, en juin 1754, en l’honneur de la visite de mon frère à Bayreuth. Des femmes célèbres de l’Antiquité, comme Sémiramis et Cléopâtre, sont les sujets de prédilection des tableaux que j’ai collectionnés. C’est aussiaphroditeavec passion que j’ai acheté moi-même des sculptures antiques au cours de mon voyage en Italie. Il est vrai que j’ai dû léguer cet héritage à mon frère à Berlin, si bien qu’on les admire uniquement dans cette ville. Dans la peinture, j’ai au meilleur sens du terme agi en dilettante et me suis consacrée au crayon et au pinceau aux célèbres femmes de l’Antiquité, telle Cléopâtre et Lucrèce, des victimes donc, auxquelles je me sentais liée.

 

 

 

Mes ambitions politiques

 Lorsque mon mari a accéde au trône à Bayreuth en 1735, moi, fille de Roi, je voulais non pas être victime, mais femme d’action, je voulais gouverner ce qui a provoqué notre première scène de ménage. Cependant, cela ne m’a pas empêché de continuer à donner mon avis et de servir mon petit État coincé entre le grandes puissances, la Prusse, l’Autriche et la France. Ainsi, j’ai activement soutenu mon époux dans sa politique deFriedrich der II., der Große. König von Preußen, 1712 bis 1786. Staatsporträt von A. D. Therbousch von Liszewski, 1753. Abschiedsgeschenk des Königs an seinen Minister Graf von Podewils. (Sammlungen Schloss Birken)bascule durant le deux guerres de Silésie et la Guerre de Sept Ans – souvent au grand dam de mon royal frère. En 1743, avec la fondation de l’Université d’Erlangen, j’ai crée une institutionMaria-Theresia, Kaiserin von Österreich. Eigenhändiges Pastellgemälde der Markgräfin Wilhelmine. Mitte 18. Jh. Ehemals markgräfliches Jagdschloss Falkenhaube. (Sammlungen Schloss Birken)qui perdure en matière d’éducation. Par mon entremise, Superville a obtenu le poste de premier chancelier et – chose inouie – c’est moi qui ait soumis aux professeurs comme sujets à débattre lors de l’inauguration, des thèses philosophico-religieuses de grande actualité autour de la question: la matière peut-elle penser?

 

 

Mon voyage en Italie

Comme je l’apprends, non seulement mes Mémoires ont été publiées contre mon gré, il en va de même pour les notes prises au cours d’un voyage en France et en Italie en 1754/55. Heureusement que je n’ai pas confié les raisons secrètes de ce voyage pas même à mon journal intime. Mes sujets n’avaient de toute façon été informés que d’un voyage de loisir à Montpellier. En réalité, j’ai eu des négociations secrètes avec des hommes politiques influents en France et en Italie, et mêmeRokoko-Kavalier. Muschelplastik auf Holz, Venedig, 18. Jh. Reisesouvenir der Markgräfin Wilhelmine, 1754. (Sammlungen Schloss Birken) avec le Vatican; tout cela juste avant la Guerre de Sept Ans, pour prouver enfin à mon frèrePrivater Schreibschrank der Markgräfin Wilhelmine von Brandenburg-Bayreuth. Johann Friedrich und Heinrich Wilhelm Spindler, Bayreuth, 1753. Interieur mit Schreibutensilien und Accessoires. (Sammlungen Schloss Birken)Frédéric que moi aussi, je m’y connais en politique. Que j’aie finalement ramené de ce voyage davantage d’antiquités que de résultats politiques substantiels, c’est une autre affaire.

 

 

 

Ma vie privée

Pour finir, je vous donnerai un petit apercu de ma vie sentimentale. Que ma fille d’honneur préférée m‘ait volé mon mari, ce n’est pas rien, mais qu’elle ne se contente pas de partager son lit et qu’elle veuille me remplacer dans mon rôle de conseillèreSchloss Birken, Festsaal, Ruhebett der Markgräfin Wilhelmine. Johann Friedrich und Heinrich Wilhelm Spindler, 1745/50. (Sammlungen Schloss Birken)politique, cela va trop loin: J’ai d´û l’éloigner de la Cour. En ce qui me concerne, je réfute catégoriquement toutes les rumeurs de relations intimes avec des gens comme Katte, l’ami de mon frère, ou avec un Conseiller Privé de Bayreuth. C’est la pure vérité, comme tout ce qui est écrit dans mes Mémoires. En toutMarkgräfin Wilhelmine von Brandenburg-Bayreuth mit dem Schoßhund „Bufferle“ des Markgrafen Friedrich. Staatsporträt von Antoine Pesne. 1. H. 18 Jh. Im Auftrag Königin Sophie Dorothee von Preußen für ihr Schloss Monbijou in Berlin. Hohenzollernsaal Nr. 34. (Sammlungen Schloss Birken)dernier lieu, je tiens encore à rectifier un détail. J’ai bien entendu adoré mon petit Folichon tout comme mon frère adorait Biche. Néanmoins, si nous les laissons échanger leurs fameuses lettres d’amour, c’est un jeu littéraire, une mise en scène, où il ne s’agit pas de nos sentiments, ni de ceux de nos petits chiens.

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